Le "gras" du vin est une texture que l'on se plaît à identifier lors d'analyses organoleptiques et que l'on identifie généralement aux "larmes" qui coulent le long de la paroi du verre et s'y accrochent : plus elles descendent lentement, plus le vin est gras. On parle aussi de viscosité. Pas tout à fait la même chose que le corps, la densité, le volume mais il y a parfois corrélation. Rien à voir non plus avec sa teneur en calories. Quoique... Le gras du vin est lié à l'alcool ainsi qu'au sucre qu'il contient. Vins liquoreux et moelleux, vins doux, vins blancs et rouges du sud, et notamment de Vallée du Rhône méridionale, sont ainsi des vins "gras". A noter, l'élevage en fût/foudre peut développer cette sensation de "gras" dans le vin...
Cette parenthèse "pédagogique" étant refermée, place aux Vendredis du Vin "le gras c'est la vie", thème sur lequel David nous a demandé de plancher, histoire d'affronter l'hiver avec des vins grassouillets à souhait. De là à parler de "comfort wine"...
Je n'ai pu m'empêcher d'évoquer ces VdV #71 (avec un clin d'oeil à Greta Garbure et un quelqu'un qui se reconnaîtra), à travers 5 nuances de gras !
La première nuance de gras est celle apportée par l'alcool, Mais un gras sans lourdeur quand il est contrebalancé par une fraîcheur et une minéralité propre à son terroir et quand l'alcool n'est pas renforcé par une surextration du fruit. A Châteauneuf comme à Gigondas (et d'autres crus rhodaniens), on est aisément sur les 15°/16° (voire plus !), cette richesse en alcool liée bien évidemment aux condiitions climatiques, renforce la sensation de richesse de ces vins. C'est notamment le cas des Anglaises de Jérôme Grieco (domaine la Biscarelle) qui offre une bouche "glycérinée", voluptueuse, cacaotée. Pas tout à fait la même sensation qu'un vin dégusté récemment à la bouche charnue, dense qui donne autant l'impression de manger que de boire !
La deuxième nuance de gras, celle du sucre (combiné à l'alcool) : je pense au Rasteau VDN (70 ans et pas une ride, au contraire !), le doré de Gilles Ferran ou celui de Pierre Meyer. Tous deux déjà évoqué lors de précédents Vendredis du Vin d'ailleurs. Ou le grenat. Et sans oublier le Muscat de Beaumes de Venise...
La troisième nuance de gras, celle du sucre allié au fruit, obtenue par surmaturité des baies, des rouges en vendange tardives comme le Coup d'pied aux fesses de Jérôme Hue par exemple, évoqué dans ce portrait. Ou merveille des merveilles, du Condrieu en vendanges tardives également, celui de Yves Cuilleron, les Ayguets par exemple, merveilleusement ample et gras, voluptueux et long (évidemment pas produit tous les ans et peu de bouteilles..).
La quatrième nuance de gras, celle du cépage... Existe-t-il des cépages objectivement "gras" ? Le grenache blanc ou gris, le gewürztraminer, le viognier, le sémillon sont considérés comme apportant du gras au vin. Je pense ici par exemple au Vacqueyras blanc d'Alain Ignace, gras, un viognier bien mûr et délicieusement aromatique et persistant dont j'avais parlé lors de cette dégustation.
La cinquième nuance de gras, celle qui vient au vin par le bois de la barrique... C'est le cas de certains Châteauneuf du Pape blancs comme celui de la Célestière par exemple ou de la Nerthe, extraordinaire alliance de finesse et de gras voluptueux en bouche. Si les cépages principaux (à Châteauneuf on en assemble plusieurs, ou pas) peuvent être un élément du "gras", l'élevage apporte à coup sûr cette dimension de velouté, de "beurré", d'onctuosité de ces grands vins.
5 nuances de gras dans les vins. Y en aurait-il d'autres ?
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NB on parle aussi des jambes du vin...